D’ici à 2050, le nombre
des jeunes de 15 à
24 ans en Afrique est
destiné à franchir le cap des
400 millions. La
question qui se pose est
de savoir
où et dans quelles
conditions tous ces
jeunes vont trouver à
s’employer,
et s’ils gagneront de
quoi subvenir aux
besoins de leur famille.
Beaucoup de jeunes
Africains aujourd’hui
axent leur quête
d’emploi sur le secteur
public et finissent par
rester au chômage, faute
de débouchés. Nombreux
sont ceux qui optent
pour la solution de
l’émigration, avec tous
les aléas et les dangers
que cela implique
souvent. Mais il y a un
élément qui reste trop
souvent de côté dans
cette équation : le
secteur privé.
Responsable actuellement
de 90% des nouveaux
emplois créés dans
l’ensemble des pays en
développement, c’est lui
qui sera, à terme,
l’élément moteur de la
création d’emplois en
Afrique.
Les années 2005 et 2006
sont de bon augure à cet
égard, car elles ont vu
l’Afrique progresser sur
le plan du
climat des affaires,
des dizaines de pays
ayant réduit les délais,
coûts et formalités
nécessaires à la
création d’une
entreprise dans le
respect des lois et
règlements. Durant cette
période, deux pays
africains sur trois ont
réformé d’une manière ou
d’une autre leur cadre
des affaires.
Le
Niger,
par exemple, a réduit de
neuf jours le temps
qu’il faut pour inscrire
une nouvelle société au
registre du commerce. Au
Mali,
les conditions
d’obtention d’un permis
de construire ont été
allégées et les
procédures d’inspection
de nouveaux bâtiments
simplifiées, réduisant
de 36% les coûts de
construction. Au
Burkina Faso,
le nombre des procédures
à suivre pour lancer une
affaire a été réduit, et
il en est de même à
Madagascar
pour les délais et frais
de démarrage d’une
entreprise.
Bien entendu, pour tirer
parti de l’amélioration
du cadre des affaires,
il faut encore que les
entreprises africaines
aient à offrir des
produits et services que
le reste du monde est
prêt à acheter. Le fait
est que c’est de plus en
plus souvent le cas.
En horticulture, les
roses du Kenya
représentent aujourd’hui
plus de 60% des ventes
sur le marché européen
et, plus généralement,
la production de fleurs
du Kenya, de l’Éthiopie
et de l’Ouganda voit ses
parts de marché grossir.
En matière de
back-office, c’est au
Ghana que la firme
Affiliated Computer
Services a basé ses
activités de service
pour les secteurs de la
santé, des assurances et
des communications. Et
en Tanzanie, la
compagnie A to Z
Textiles emploie
3 200 personnes, dont
90% de femmes, à la
production de
moustiquaires, une
activité en plein essor.
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Kampala,
Ouganda.
©Banque
mondiale
/
Arne
Hoel |
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Les études effectuées
dans la
région
par la Banque mondiale
révèlent qu’à l’échelon
individuel, les
entreprises africaines
affichent des niveaux de
productivité qui ne sont
pas loin de ceux
observés en Chine, au
Bangladesh et dans
d’autres pays en
développement qui ont
réussi à abaisser
considérablement leurs
taux de pauvreté en
accroissant leurs
exportations. Ce qui
dessert des entreprises
africaines par ailleurs
compétitives, c’est le
haut niveau des coûts
indirects qu’elles
subissent du fait de
structures
réglementaires
inefficaces et
d’infrastructures
insuffisantes.
À
titre d’exemple,
lorsqu’une cargaison de
café du
Rwanda
est chargée dans le port
de Mombasa (Kenya), les
producteurs rwandais
touchent 20% seulement
du prix de vente. Les
80% restants passent en
partie à des versements
dits informels le long
de la chaîne, mais aussi
en partie aux frais de
transport. Si l’on
réduisait ces frais ne
serait-ce que de 1%,
cela se traduirait par
une hausse de 5% des
revenus des exploitants.
Enfin, une réduction des
charges liées aux
coupures de courant
permettrait à des
centaines d’entreprises
d’accroître leur
productivité, de
développer leurs
exportations et de
verser de meilleurs
salaires à leurs
employés.
Dans l’ensemble, le
contexte dans lequel
doivent être traités
certains des problèmes
qui se posent à
l’intérieur des
frontières de l’Afrique
s’améliore à l’heure
actuelle. L’Afrique voit
en outre sa croissance
économique s’accélérer,
témoin le taux de
croissance annuelle de
5,5% affiché ces
dernières années par un
groupe de pays
particulièrement
performants (producteurs
de pétrole non compris),
qui représente à lui
seul 35% de la
population d’Afrique
subsaharienne.
Mais pour parvenir au
degré supérieur
d’expansion économique
et associer à cet essor
les pays qui ont pris du
retard, il faudra à
l’Afrique un niveau
d’investissement bien
plus conséquent.
Comme l’écrit la
Commission pour
l’Afrique du
Royaume-Uni : « Le défi
consiste à créer un
environnement dans
lequel les Africains
souhaitent investir dans
leurs exploitations
agricoles, leurs
entreprises, leurs pays
et leur continent et qui
attire davantage les
investissements
étrangers. » À l’heure
actuelle, le ratio des
investissements au PIB
en Afrique se situe à
18%, chiffre qui est
bien inférieur à la
moyenne de 24% affichée
par l’ensemble des pays
en développement et qui
classe l’Afrique au
dernier rang de toutes
les régions en
développement.
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Construction
à
Kwamptipura,
Tanzanie.
©Banque
mondiale
/
Arne
Hoel |
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Un
meilleur environnement
favorisera un surcroît
d’investissement
intérieur de même que de
plus gros apports
d’investissement direct
étranger, lesquels sont
encore faibles :
en 2004, les apports
nets d’IDE à l’Afrique
se chiffraient à
10,1 milliards de
dollars EU — tout juste
1,6% du volume mondial —
et plus de la moitié de
ces flux était destinée
à deux pays seulement,
le Nigéria et le Soudan.
Dans le passé, les pays
africains ont compté sur
l’aide au développement
pour résoudre leurs
problèmes économiques et
sociaux, mais cela leur
a fait perdre le contact
avec les autres pays en
développement, qui
obtiennent davantage au
moyen de
l’investissement privé.
Pour chaque dollar que
ces pays reçoivent des
bailleurs de fonds, en
effet, il y a quatre
autres dollars qui leur
parviennent sous forme
d’investissements
privés.
Le
Sénégal
a beau présenter un
bilan qui conjugue
stabilité
macroéconomique et
régularité de la
croissance, il
enregistre un niveau
étonnamment faible
d’investissement
étranger. Selon les
entreprises locales,
c’est le coût prohibitif
du crédit, et le fait
qu’il n’est pas
disponible dans bien des
cas, qui les empêche
actuellement de se
développer et de créer
des emplois.
L’évaluation du climat
de l’investissement
effectuée dans ce même
pays par la Banque
révèle qu’elles sont en
outre bridées par un
système judiciaire qui
leur inspire peu
confiance et par un
cadre réglementaire
qu’elles jugent, pour
beaucoup, déconcertant.
Mais la situation a
évolué d’une manière
encourageante ces
derniers temps. D’après
la Conférence des
Nations unies sur le
commerce et le
développement, les
apports d’investissement
direct étranger en
Afrique ont progressé de
78% pour se situer à
31 milliards de dollars
EU en 2005 ; seule
l’Asie occidentale a
fait mieux à cet égard.
Si les pays africains
commencent à s’adjuger
une plus grande part de
ces apports, cela aura
des retombées
économiques
considérables en termes
de création d’emplois,
de progression de la
croissance et de
transfert de
technologies.
Un
nombre accru de pays
associent actuellement
leur secteur privé à
l’établissement des
priorités en matière de
réforme. Par ailleurs,
la Banque mondiale et le
Fonds monétaire
international ont aidé
le chef de l’exécutif de
cinq pays (Ghana,
Mali,
Sénégal,
Ouganda et Tanzanie) à
établir un haut conseil
des investisseurs en vue
de définir les
stratégies à suivre pour
améliorer le climat de
l’investissement. Au
Sénégal,
l’organe en question a
contribué à la mise en
place d’une nouvelle loi
anti-corruption ; au
Ghana, il s’est employé
à obtenir la réduction
des délais exigés par
les formalités de
dédouanement.
Pour ces pays, le fait
d’éliminer certains des
obstacles auxquels se
heurtent les entreprises
pour se développer,
améliorer leur
productivité et
embaucher est un
investissement dans la
création d’emplois. Les
initiatives dans ce sens
sont bonnes pour les
entreprises, mais elles
sont déterminantes pour
cette génération
croissante d’Africains
en quête de moyens de
subsistance et d’un
motif d’espoir.
Par Tim
Carrington
Banque Mondiale
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